Le 15 juin 2023, Donald Triplett est mort à l’âge de 89 ans. Ce nom ne vous dit probablement rien et pourtant, dans les années 1930, ce jeune garçon de la ville de Forest au Mississippi va devenir le « Cas n°1 », plus précisément le premier à être diagnostiqué autiste.
À cette époque, la psychiatrie n’avait pas encore de mot pour qualifier ce que l’on considérait parfois comme des « erreurs de la nature ». Les termes « crétin », « imbécile », « lunatique » et « cancre » revenaient souvent pour désigner cet étrange être qui balançait en permanence sa tête de droite à gauche, employant les mots « chrysanthèmes », « dahlia » ou « parapluie » pour s’exprimer et qui refusait de prendre sa mère dans ses bras.
Cette manière atypique de communiquer pouvait cependant parfois prendre des accents poétiques, avec des phrases telles que « à travers les nuages noirs qui brillent ». et une manie de faire tourner les objets comme les casseroles ou les cendriers pour se calmer, ainsi que lui conférer une place unique dans sa communauté alors qu’il remplaçait les noms des gens par des numéros, avec lesquels il était plus à l’aise : le pasteur Mark était 472, son amie Céleste était 1315, Olivia et Toby 154 et 155.
L’expérience fut un échec et elle décida de se tourner cette fois vers le psychiatre pour enfants le plus réputé d’Amérique, Leo Kanner (1894-1981). Ce psychiatre juif autrichien qui était arrivé aux Etats-Unis quelques années auparavant se distinguera plus tard en aidant des centaines de personnes à échapper à l’Allemagne nazie. C’est lui qui utilisera l’expression « Cas n°1 » pour désigner Donald et qui lui attribuera le terme « autiste » qu’il empruntera au grec « autos » qui signifie de soi-même, lui même, pour identifier ce syndrome unique, jusqu’ici jamais signalé.
Ce nom allait pouvoir qualifier ces personnes aux caractéristiques très différentes mais qui partagent cette « incapacité à se mettre en relation avec les autres de manière ordinaire ». Kanner refusera cependant de s’attribuer la découverte de l’autisme car il considère que celui-ci existait déjà avant qu’il ne l’identifie.
Pour en revenir à notre personnage du jour, Don – comme il était appelé par les habitants de sa communauté – s’installa à Forest où il passa le reste de sa vie. Il y fut diplômé, y appris à conduire et obtint même un travail dans la banque locale. Son caractère unique et ses capacités à manier les chiffres lui permirent de bénéficier de l’appellation de « génie » par les habitants de sa ville, qui finirent par se montrer bienveillants et protecteurs vis-à-vis de lui.
Son histoire devint un livre, écrit par John Donvan et Caren Zucker, et le livre un film, « In a different key », et celui qui renommait les autres par des numéros restera Don, le « Cas n°1 ».
D’après l’article Paru dans :
The Economist, No 9354, 8-14 juillet 2023, p. 74
Rédigé par : Emmanuel Caire
Mise en page : Jean-Baptiste Caire
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