T-C : Bonjour Mr E., pouvez-vous nous présenter le parcours de Mahé depuis son diagnostic ?
Mr E. : Mahé est né en France en 2012, puis nous sommes partis rapidement à l’étranger pour mon travail. Dès les premières années, j’ai repéré des difficultés dans son comportement et sa communication. A la suite d’un retour sur le territoire français, vers ses 3 ans, il a été diagnostiqué autiste. J’ai donc pris la décision de rentrer définitivement en France pour sa prise en charge.
Un bilan complet sur ses aptitudes a ensuite été réalisé afin de pouvoir cibler au mieux ses besoins. Environ un an d’attente, ajouté à plusieurs mois de tests seront nécessaires pour obtenir le bilan final. Durant ce temps, Mahé va être suivi par une pédiatre, un psychomotricien, et débuter sa scolarité en maternelle à temps partiel. L’école de quartier semble être débordée et non adaptée à son profil. Il changera d’école après un an pour découvrir la méthode Montessori, encadrée par un personnel plus ouvert. Les séances d’orthophonie débuteront également à cette période.
Après quelques mois, j’ai eu le sentiment que cette prise en charge ne nous menait nulle part… En poursuivant mes recherches, j’ai décidé de me lancer dans une méthode développementale américaine non reconnue fondée sur le jeu. En s’attaquant à la source et non pas aux manifestations de l’autisme, j’ai estimé que cette méthode était la mieux adaptée au profil de Mahé, qui en a tout de suite ressenti les bénéfices. La démarche a malgré tout été très lourde, il a fallu recruter des bénévoles, aménager une salle de jeu et s’investir au quotidien. Après un an et demi, nous avons rencontré des limites de cette prise en charge. Je me suis donc tourné vers une autre méthode développementale plus complète qui propose une formation intensive et qui vise à changer d’attitude au quotidien avec son enfant.
Mahé est aujourd’hui accueilli à plein temps en unité d’enseignement spécialisé. Les séances d’orthophonie, qui s’étaient arrêtées pendant quelques mois, ont repris. Et j’ai décidé de consacrer un temps très important dans la mise en place de cette nouvelle méthode, combinée à l’intervention d’un éducateur spécialisé à notre domicile : 6h par semaine en période scolaire et 3 jours par semaine pendant les vacances. Cela nous permet de poursuivre au mieux l’accompagnement de Mahé en dehors de l’institution. Depuis 2 ans, ce rythme semble bien lui convenir, il montre beaucoup de progrès en terme de communication, de motricité, de flexibilité et d’autonomie.
T-C : Pourquoi et comment vous êtes-vous tourné essentiellement vers les méthodes développementales ?
Mr E : Les méthodes comportementalistes (méthodes d’éducation structurée) ne me paraissaient pas adaptées au profil de Mahé. Il semble avoir besoin d’une approche plus développementale qui vise à traiter le problème à la racine. Elle aide l’enfant dans le développement qu’il n’a pas réussi naturellement à se construire, tout en étant respectueux de sa personnalité et en lui donnant l’opportunité de l’enrichir.
Cette méthode est basée sur l’attitude qui nous apprend à porter un regard d’acceptation sur le handicap de notre enfant. L’amour qu’on lui porte et notre croyance en lui permettent tout, à mes yeux. N’importe quel enfant peut progresser avec ce soutien. De plus, les parents sont les directeurs de programme de cette méthode. Elle considère donc que nous sommes les mieux placés pour connaitre leurs besoins, leurs difficultés et préparer leur avenir. La perspective d’être pilote de la prise en charge de mon enfant m’a paru essentielle. Son application à mon domicile avec un éducateur spécialisé me permet également de conserver une proximité sur le travail réalisé grâce à des retours quotidiens sur les activités mises en place pour Mahé.
T-C: Quels sont les progrès que vous avez pu mesurerdepuis le début de l’accompagnement que vous avez mis en place? Et quelle est l’évolution de sa personnalité?
Mr E.: Les progrès qu’a fait Mahé sont énormes ! Au niveau de la communication, lorsqu’il a été diagnostiqué autiste, il ne parlait pas ou à peine, il disait une dizaine de mot. Puis, au fur et à mesure de la prise en charge, il a commencé à prononcer de mieux en mieux les mots et faire des phrases de plus en plus complexes. Une progression en amenant une autre, le fait qu’il se fasse mieux comprendre a réduit ses troubles du comportement. Avant, il manifestait des problèmes qu’on ne comprenait pas, lui comme moi. Les crises étaient difficiles à gérer, il en sortait difficilement. En arrivant à mettre des mots dessus aujourd’hui, ces crises sont beaucoup plus brèves. Pour reprendre un concept de la méthode développementale que l’on utilise, avant, il était beaucoup « dans le rouge », ce qui signifie non disponible pour l’interaction, et maintenant les moments de disponibilités se sont allongés et tendent à se rejoindre. Ainsi, les périodes d’indisponibilités sont plus rares et brèves.
Pour ce qui est de la motricité et de l’autonomie, la propreté, par exemple, est complètement acquise depuis peu. De temps en temps, il est capable de s’habiller tout seul, sans être aidé ou poussé à le faire. Il fait de plus en plus de choses seul, des activités de plus en plus conséquentes. Il prend du plaisir à les faire, et se sent grandir. Toutes ces satisfactions lui donnent envie de tendre à plus d’autonomie. Ces progressions sont très encourageantes et lui permettent de développer chaque jour sa personnalité à travers ses activités et sa créativité.
T-C: Comment évaluez-vous au quotidien l’apport et la prise en charge de l’éducateur spécialisé à domicile ? N’ayant pas la présence d’une équipe professionnelle autour de vous, comment organisez-vous le suivi du travail en cours, en plus de votre investissement ?
Mr E.: Pour ce qui est de l’accompagnement de mon fils, j’ai différents besoins : tout d’abord, j’ai besoin qu’il soit pris en charge lorsque je travaille. De plus, je souhaite voir comment mon fils évolue. J’ai des idées précises de ce sur quoi il faut travailler. Pour ce faire j’utilise une grille d’évaluation, qui me permet de nous donner des objectifs et des priorités, et de voir où il en est.
Ce n’est pas toujours facile de convaincre les professionnels de passer par cette grille. Mais l’éducateur spécialisé comble ces deux besoins : être là quand je ne peux pas l’être, et accompagner cette démarche sur le suivi du développement de Mahé. En plus d’une très bonne communication par écrit avec l’éducateur, nous avons un moment d’échange avec lui en présence Mahé en fin de séance, qui permet de parler de ce qui a été fait ensemble ou des difficultés abordées. Ce lien direct est bref mais très important. Il y a un véritable lien de cohérence, et Mahé sent qu’on est ensemble autour de lui.
T-C: Quelles sont les attentes pour les mois, les années à venir?
Mr E.: Pour l’année scolaire qui arrive, je souhaite continuer de la même manière, avec l’aide de l’éducateur spécialisé à domicile, l’école et l’orthophoniste. J’aimerais aussi ajouter une activité physique comme de l’escalade ou de la natation. J’espère pouvoir continuer sur le même modèle, avec de nouveaux objectifs, tendant encore plus vers l’éducatif et les apprentissages.
Pour les années à venir, je suis assez angoissé à l’idée qu’il ne puisse rester « éternellement » dans l’unité d’enseignement spécialisée. Il est possible qu’il reste encore 2 ou 3 ans maximum. Pour la suite, je suis déjà dans une démarche de réflexion et de prise de contact avec un organisme indépendant. Je souhaite coûte que coûte qu’il acquiert un maximum d’autonomie pour tendre vers une vie d’adulte plus indépendante, sans passer par une institution spécialisée.
T-C: Recommanderiez-vous ce type d’accompagnement à domicile ?
Mr E.: D’un point de vu personnel, je suis ravi et comblé de cet accompagnement qui répond à toutes mes attentes. L’éducateur spécialisé qui nous accompagne est à l’écoute de mes idées, et agit en cohérence par rapport à Mahé.
Je reste néanmoins conscient que tous les parents ne peuvent pas se sentir investis de ce rôle de pilote et n’aient pas forcement cette approche. Mais dans un tel cas, la possibilité d’avoir accès à des éducateurs spécialisés compétents et talentueux pour prendre en charge leurs enfants et les aider à domicile me parait très recommandable.
Quelle que soit la méthode, elle me paraît toujours plus efficace à la maison. En effet, cela évite à l’enfant les transports, la pression de l’heure, les angoisses liées aux bruits extérieurs… Tout cela ajouté au confort du domicile, il me semble que les ressources de l’enfant sont moins consommées et qu’il peut être davantage performant dans l’apprentissage qu’en institution ou cabinet privé.
T-C : Merci beaucoup pour toutes ces informations et à bientôt !
Mr E.: Merci à vous !
Propos recueillis par : Jean-Baptiste Caire.
Rédaction et mise en page : Marianne Caire et Jean-Baptiste Caire.
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